16.

D’après eux, Alicia CeeCee Mayfair avait fait sa fausse couche vers 4 heures de l’après-midi. Elle était morte depuis plus de quatre heures lorsque Mona l’avait trouvée. L’infirmière était bien venue la voir et avait allumé la lumière, mais elle n’avait pas voulu la réveiller. Anne-Marie était entrée et sortie plusieurs fois, avant et après le décès, mais n’avait rien remarqué. Personne n’avait vu quelqu’un d’autre entrer dans la chambre.

Leslie Ann Mayfair, Ryan et Caria, sa secrétaire, téléphonaient à toutes les femmes de la famille.

Une fois libérée des étreintes et des embrassades, Mona s’enferma à clé dans sa chambre. D’un geste de fureur, elle arracha sa robe blanche et son ruban.

Impossible d’appeler Michael pour lui demander de venir. La ligne devait être sans arrêt occupée.

En slip et soutien-gorge, elle entra dans son dressing-room pour chercher des vêtements. Rien de bien. Elle déverrouilla la porte, traversa le couloir et entra dans la chambre de sa mère. Personne ne fit attention à elle. Le murmure des conversations montait par la cage d’escalier. Des portières de voitures claquaient. Évelyne l’Ancienne poussait des cris stridents.

Le placard de CeeCee. Sa mère ne mesurait qu’un mètre cinquante-cinq, à peu près comme elle. L’adolescente passa en revue les robes, les manteaux, les tailleurs, et trouva une petite jupe. Trop courte, avait dit sa mère. C’était parfait. Elle choisit un chemisier à fanfreluches que CeeCee portait entre 9 heures et 11 heures du matin avant de se soûler en guise de déjeuner. Ensuite, elle passait une robe de chambre pour regarder les feuilletons mélos de l’après-midi dans le salon. Eh bien, elle ne le ferait plus, maintenant. Mona avait la tête qui tournait. Les vêtements imprégnés de l’odeur de sa mère lui firent repenser à celle de l’hôpital. Elle n’était pas ici, sinon, elle l’aurait sentie.

Elle jeta un œil dans le miroir. On aurait dit une petite femme, enfin, presque. Elle prit la brosse à cheveux de CeeCee et ramena ses cheveux en arrière, comme sa mère le faisait, puis y attacha une barrette.

L’espace d’une seconde, elle crut voir sa mère. Elle fit une grimace. Si seulement cela pouvait être vrai ! Mais, dans le miroir, il n’y avait personne d’autre que Mona, avec ses cheveux attachés en arrière. Elle faisait tout de même plus adulte ainsi. Elle aperçut le rouge à lèvres de sa mère. Il était rose pâle. CeeCee disait elle-même qu’elle ne mettait plus de rouge vif parce qu’elle n’était plus assez sobre pour l’appliquer sans ressembler à un clown.

Mona colora ses lèvres.

Elle retraversa le couloir, claqua la porte de sa chambre et alluma son ordinateur. Le répertoire de Wordstar apparut sur l’écran, grand, lumineux, vert. Elle appuya sur la touche R et demanda au programme d’ouvrir un sous-répertoire intitulé \WS\MONA\AIDE. Elle entra dedans et appuya sur D pour créer un fichier qu’elle nomma Aide.

Je suis Mona Mayfair. Nous sommes aujourd’hui le 3 mars. J’écris à l’intention de ceux qui viendront après moi et risquent de ne jamais comprendre ce qui s’est passé. Quelque chose a décidé de s’en prendre à toutes les femmes de notre famille. Elles sont toutes prévenues mais elles croient qu’il s’agit d’une maladie. C’est faux. C’est bien pire qu’une maladie et tout le monde se trompe. Je vais aider à prévenir les femmes.

Elle appuya sur KD pour sauvegarder son texte. Le fichier fut absorbé en silence par la machine. Elle était seule dans sa chambre plongée dans l’obscurité, plantée devant son écran comme devant un feu de cheminée. Le bruit de l’avenue remplit lentement le silence. Il y avait beaucoup de voitures dehors. Quelqu’un frappa.

Elle alla à la porte et tira le verrou. Des écailles de peinture se collèrent sur ses doigts. Elle ouvrit.

— Je cherchais Mona. Oh, c’est toi Mona ! Je ne t’avais pas reconnue.

C’était tante Béa.

— Ma pauvre enfant, poursuivit-elle, il paraît que c’est toi qui as trouvé ta mère ?

— Oui, mais ça va. Je me sens bien. Il faut que tu préviennes tout le monde.

— C’est ce que nous sommes en train de faire, ma chérie. Descends avec moi.

— Personne ne doit rester seul. Même comme je l’ai été ces dix dernières minutes.

Elle passa devant Béa, prit le couloir et s’arrêta en haut des marches.

— Personne ne doit rester seul ! cria-t-elle.

Les Mayfair étaient entassés dans le hall d’entrée. Un nuage de fumée de cigarette planait dans la lumière. Une odeur de café. Tout le monde pleurait et sanglotait.

— Mona, mon ange, y a-t-il des petits gâteaux quelque part ?

— Mona, c’est toi qui l’as trouvée ?

— CeeCee et Gifford étaient comme des sœurs jumelles.

— Mais non, pas du tout.

— Ce n’est pas une maladie, dit Mona.

Béa la prit par l’épaule, étonnée et triste.

— Je sais. C’est ce qu’Aaron m’a dit. On essaie de joindre toutes les femmes de New York et de Californie.

— Oui, toutes sans exception.

— Mon Dieu ! Carlotta avait raison. Nous aurions dû brûler cette maison. Tout vient de la maison, n’est-ce pas ?

— Et ce n’est pas terminé, Béatrice.

Elle descendit l’escalier, entra dans la salle de bains du bas, verrouilla la porte pour s’isoler du monde et fondit en larmes.

— Maman, maman, et merde !

Mais ce fut de courte durée. Il n’y avait pas de temps à perdre. Quelqu’un d’autre était mort. Les voix qu’elle entendait, dans le hall, le lui disaient. Quelqu’un poussa même un cri. Une autre morte.

Ryan était arrivé et l’appelait. Elle entendait les voix à travers l’épaisse porte de cyprès. Lindsay Mayfair avait été retrouvée morte à Houston, à midi. Sa famille venait d’appeler.

Mona sortit dans le hall. Quelqu’un mit un verre d’eau dans sa main. Elle le regarda sans savoir ce que c’était puis l’avala.

— Écoutez-moi tous, dit-elle en haussant la voix. Ce n’est pas une maladie. C’est quelqu’un. Quelqu’un qui va toutes les tuer. Voilà ce qu’il faut faire : dans chaque ville, toutes les femmes doivent se réunir dans la même maison et se tenir mutuellement compagnie. Personne ne doit quitter cette maison. Cela ne durera pas longtemps car nous allons l’arrêter. Nous sommes très puissants, tous ensemble…

Elle s’interrompit. Tout le monde s’était tu et un silence de plomb remplissait l’immense hall.

— C’est, quelqu’un de très solitaire, dit-elle encore.

Seule Évelyne l’Ancienne continuait de sangloter :

— Mes chéries, mes petites chéries…

Béa se mit elle aussi à pleurer et Mona ne put se retenir de l’imiter.

— Ressaisis-toi, dit Pierce. J’ai besoin de toi.

Mona se reprit instantanément.

 

L'heure des Sorcières
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